Chronique des Mondes Emergents

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    Mineur et sans papier : passeport pour la case prison ?

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    Messages : 123
    Date d'inscription : 12/05/2014

    Mineur et sans papier : passeport pour la case prison ? Empty Mineur et sans papier : passeport pour la case prison ?

    Message par Admin Jeu 5 Juin - 14:46

    #mineur #sanspapier #prison #enfant #Belgique #2014 #MENA #immigré #immigration #officedesétrangers #droitséjour #clandestin #fedasil #loiorganiquecpas #scolarité #centrefermé #Vottem #127bis #statutadministratif #Circulaire15septembre2005
    Collectif Solidarité Contre l’Exclusion — n°52 — janvier/février 2006

    Charlotte van der Haert (Service droit des jeunes - Plate-forme Mineurs en exil  02/210.94.98) et Charlotte van Zeebroeck (Service droit des jeunes - point d’appui juridique aux tuteurs et avocats des MENA et aux familles en séjour illégal 02/210.94.91)
    Ce qui heurte sans doute le plus tout un chacun dans la question des sans papiers, c’est certainement le cas des enfants. La Belgique est d’ailleurs régulièrement épinglée pour la façon dont elle traite les mineurs, notamment en les enfermant. Nous avons demandé au Service Droit des Jeunes un tableau de la situation des mineurs sans ^papiers, accompagnés ou non.

    Mineur et sans papier : passeport pour la case prison ? 26720610

    1. Introduction
    Depuis quelques années, on constate l’arrivée de plus en plus massive en Belgique de mineurs étrangers. Ils arrivent soit avec leur famille, soit seuls, c’est-à-dire sans être accompagnés par une personne exerçant sur eux l’autorité parentale. On les appelle alors « Mineurs Etrangers Non-Accompagnés - MENA ». Environ 2000 MENA arrivent en Belgique chaque année, la plupart ont entre 15 et 18 ans, mais certains sont beaucoup plus jeunes. Ces mineurs, en famille ou seuls, arrivent en Belgique pour diverses raisons : ils fuient un état de guerre dans leur pays d’origine, mais également la famine, la violation de leurs droits ou l’atteinte à leur intégrité physique, une situation économique désastreuse, etc.
    Certains mineurs ou leurs parents, lorsqu’ils craignent des persécutions dans leur pays d’origine, demandent la protection de la Belgique et introduisent donc une demande d’asile auprès de l’Office des étrangers.
    Dans le présent article, nous ne parlerons cependant pas des enfants qui sont en procédure d’asile ou qui sont reconnus comme réfugiés, étant donné que durant la procédure d’asile ou s’ils obtiennent le statut de réfugié, ils ont un titre de séjour et ne sont donc pas considérés comme étant « en situation irrégulière ». Par contre, lorsqu’ils n’introduisent pas de demande d’asile ou qu’ils en sont déboutés, les familles ou les MENA se retrouvent bien souvent « sans papiers » et ce sont les différents aspects de leur situation que nous examinerons ici.
    Nous essayerons aussi, le cas échéant, de différencier la situation des enfants en famille et la situation des MENA, les dispositifs existants pour ces deux catégories étant différents sur plusieurs points.

    2. Le séjour des mineurs en situation irrégulière
    2.1. Les mineurs étrangers en famille
    Les familles avec enfants qui arrivent en Belgique, soit illégalement, soit avec un visa de court séjour et ne demandent pas l’asile ou dont la procédure d’asile a été clôturée négativement, se retrouvent souvent sans titre de séjour avec pour seul document un Ordre de quitter le territoire délivré par l’Office des étrangers. Ils résident donc en Belgique sans droit au séjour. Le nombre de mineurs avec leur famille vivant ainsi dans l’illégalité et avec le risque permanent de se faire renvoyer dans leur pays est difficile à chiffrer.
    Si elles souhaitent rester en Belgique, ces familles n’auront alors d’autre choix que d’introduire une demande de régularisation de leur séjour, sur base de l’article 9, alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour,  l’établissement et l’éloignement des étrangers. Cette demande est une exception à la règle qui veut que les demandes d’autorisation de séjour soient introduites auprès de la représentation belge dans le pays d’origine du demandeur. Ce n’est donc que lorsque l’étranger invoque des circonstances exceptionnelles, telles que, par exemple, des raisons médicales ou une situation de guerre dans le pays d’origine, qu’il pourra introduire une demande d’autorisation de séjour à partir du territoire belge. Durant l’examen de cette demande par l’Office des étrangers, qui peut durer plusieurs années, le mineur et sa famille resteront en situation irrégulière et n’auront aucun droit. Le fait qu’une procédure soit en cours d’examen ne les garantit pas contre un éventuel rapatriement vers leur pays d’origine. Enfin, la majorité de ces demandes seront déclarées au mieux non fondées, et souvent même irrecevables, faute de  raisons exceptionnelles permettant d’introduire la demande à partir de la Belgique. Seules les personnes (et les membres de leur famille) se trouvant dans une des deux situations suivantes ont, à l’heure actuelle, une chance d’être « régularisées » : les personnes gravement malades qui nécessitent des soins réguliers en Belgique et qui ne pourraient recevoir ces soins dans leur pays et les familles avec enfants scolarisés dont la demande d’asile est pendante depuis plus de trois ans.
    2.2. Les MENA
    La situation des mineurs non-accompagnés est un peu meilleure, dans la mesure où ceux-ci pourront non seulement introduire une demande de régularisation telle que décrite ci-dessus, mais également une autre demande d’autorisation de séjour, basée sur la Circulaire du Ministère de l’Intérieur du 15 septembre 2005. Cette Circulaire prévoit qu’un MENA qui n’aura pas demandé l’asile ou dont la demande d’asile s’est clôturée négativement, sera toléré sur le territoire, avec un document de séjour précaire ou temporaire, le temps qu’une solution durable soit trouvée pour lui par son tuteur et admise par l’Office des étrangers. Après une procédure qui peut durer jusqu’à trois ans et demi, et pour autant qu’aucune autre solution durable n’ait été trouvée, le MENA pourra obtenir un titre de séjour définitif.

    3. L’accueil des mineurs en situation irrégulière
    3.1. Les mineurs étrangers en famille

    Une famille avec des enfants mineurs en séjour illégal en Belgique n’aura pas droit à une aide sociale financière du CPAS, hormis dans les rares cas où un membre de la famille se trouve dans un état de santé grave et où le CPAS s’est vu condamner par le Tribunal du travail à octroyer une aide sociale financière, vu l’impossibilité de retour dans le pays d’origine. Dans les autres cas, les enfants mineurs de la famille qui se trouvent dans un état de besoin suite à l’impossibilité de leurs parents d’assumer leur devoir d’entretien, ont droit à une aide matérielle indispensable pour leur développement, octroyée exclusivement dans un centre fédéral d’accueil (centre de FEDASIL), sur base de l’article 57 § 2, alinéa 2 de la Loi organique des CPAS du 8 juillet 1976, récemment modifiée par la loi-programme du 27 décembre 2005, qui garantit la présence dans le centre d’accueil des parents ou personnes qui exercent effectivement l’autorité parentale. S’ils souhaitent bénéficier d’une aide sociale, ces enfants mineurs étrangers et leurs parents en séjour illégal sont dorénavant appelés à mener leur vie familiale dans un centre.
    Beaucoup de familles refusent cependant de résider dans un centre lorsqu’elles  apprennent qu’elles n’auront à leur disposition qu’une seule chambre (pour les parents et les enfants), que le centre proposé se trouve à l’autre bout de la Belgique, que le changement d’établissement scolaire pourrait avoir comme conséquence de perturber fortement la scolarité des enfants, que les liens sociaux construits au fil du temps par les familles dans leurs villages ou leurs quartiers vont être perdus par un déménagement, que ces liens sociaux seront très difficiles à reconstruire à partir d’un centre d’accueil, qu’elles n’ont aucune certitude quant à la durée de l’hébergement, que le centre proposé peut à tout moment être modifié par l’administration, etc.
    Difficile, dans ces cas-là, de dire que l’objectif de l’aide sociale d’assurer à toute personne la possibilité de « vivre conformément à la dignité humaine » soit atteint !
    3.2. Les MENA
    Les MENA qui ont demandé l’asile se verront désigner un centre d’accueil (de FEDASILou de la Croix-Rouge) ou une Initiative Locale d’Accueil, spécialisé dans l’accueil des MENA. La capacité d’accueil des MENA demandeurs d’asile s’élève à environ 325 places.
    Ils pourront résider dans ce centre jusqu’à leurs 18 ans, même dans les cas où ils ont reçu une décision négative quant à leur demande d’asile. Il ne sont cependant pas obligés d’y résider et beaucoup de MENA choisiront de vivre avec un membre de leur famille ou dans une famille d’accueil.
    L’hébergement des MENA non demandeurs d’asile est plus problématique. En arrivant en Belgique, ils seront en général orientés vers un centre d’accueil d’urgence (également appelé centre d’observation et d’orientation), soit à Neder-Over-Heembeek soit à Steenokkerzeel. En principe, ils ne devraient résider là que maximum un mois, mais dans les faits ils sont souvent amenés à y rester beaucoup plus longtemps, vu la difficulté à les réorienter ailleurs. En effet, le MENA et son tuteur éprouveront souvent d’énormes difficultés à trouver un hébergement pour le jeune, qui ne pourra pas être hébergé dans un centre Fedasil, n’étant pas demandeur d’asile. Ils devront alors faire appel, pour trouver un hébergement, à d’autres institutions,
    telles que les Services de l’Aide à la Jeunesse (SAJ) en Communauté française et les Comités voor Bijzondere Jeugdzorg (CBJ) en Communauté flamande... Et c’est là que le bât blesse : il n’existe que très peu de centres communautaires spécialisés dans l’accueil des MENA et les quelques centres qui existent sont souvent complets.
    Le MENA non-demandeur d’asile pourra également trouver toute autre possibilité d’hébergement, comme l’accueil chez des membres de sa famille ou dans une famille d’accueil, ou une mise en autonomie. Et c’est surtout dans ces cas-là qu’une demande d’aide sociale au CPAS peut être utile. En ce qui concerne le droit à l’aide sociale, les MENA bénéficient en effet d’un traitement plus favorable que les mineurs qui résident en Belgique avec leur famille, puisqu’ils ne sont pas concernés par l’aide sociale limitée à l’aide médicale urgente ou à l’aide matérielle dans un centre d’accueil. Vu la possibilité pour un MENA de demander l’application de la Circulaire du 15 septembre 2005 relative au séjour des MENA et de se voir octroyer, dans l’attente d’une solution durable, un document de séjour précaire ou provisoire, un MENA ne se trouvera en principe jamais en situation illégale. Il pourra à ce titre, même s’il est mineur, introduire une demande d’aide sociale financière auprès du CPAS de la commune où il réside. En cas de refus de la part du CPAS, un recours devant le tribunal du travail est toujours possible et devrait pouvoir aboutir à l’octroi de l’aide.

    4. La scolarité des mineurs en situation irrégulière
    Le droit à l’instruction et à l’enseignement est un droit fondamental pour tout enfant,
    consacré dans les articles 28, 29 1) c), 30 et 32 de la Convention Internationale des droits de l’enfant, dans l’article 2 de la Convention Internationale de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et dans la Constitution belge, qui dispose que « chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux ».
    Ce droit doit être appliqué sans exception aux MENA comme aux mineurs qui résident en Belgique avec leur famille, indépendamment de leur statut de séjour. Les élèves primoarrivants auront accès à des classes-passerelles, qui doivent faciliter leur insertion dans l’enseignement « classique » par l’apprentissage d’une des langues nationales et une remise à niveau. Cependant, les mineurs non-demandeurs d’asile, qui ne peuvent bénéficier d’une attestation d’intégration délivrée par le Conseil d’intégration Elargi de l’école, rencontreront souvent d’énormes difficultés à intégrer une classe qui correspond à leur niveau d’étude, vu leur impossibilité à prouver les études qu’ils ont effectuées dans leur pays d’origine et la difficulté d’obtenir une équivalence de leur diplôme. Ils se retrouveront dès lors souvent, après un passage en classe-passerelle, dans un niveau ou une option qui ne leur conviendra pas.

    5. Les mineurs en centre fermé
    5.1. Les familles avec enfants mineurs
    Des familles avec enfants mineurs ont toujours été détenues dans des centres fermés, dans le but de leur rapatriement. Mais, depuis quelques mois, on constate une hausse du nombre de familles enfermées. Il y avait, en octobre 2005, 66 enfants détenus au centre 127bis de Steenokkerzeel et on apprenait récemment que de nouvelles ailes réservées aux familles s’ouvraient dans les centres fermés de Vottem et Merksplas.
    Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque l’on connaît les conditions de vie dans ces centres. Les enfants y vivent dans un endroit clos entouré de fils barbelés, les sorties dans la cour ne sont autorisées que quelques heures par jour, les loisirs sont limités à quelques jouets cassés et à une télévision omniprésente qui passe des émissions pour adultes et les enfants sont privés d’école. Il est utile de rappeler la disposition de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui a été ratifiée par la Belgique et prévoit que la détention des enfants «doit être une mesure de dernier ressort» et «d’une durée aussi brève que possible» (article
    37 de la Convention relative aux droits de l’enfant).
    5.2. Les MENA
    Certains MENA, lorsqu’ils arrivent en Belgique par avion et sans être porteurs de documents, sont interceptés à la frontière et placés dans le centre fermé 127 situé derrière les pistes de l’aéroport de Zaventem. La pratique de la Chambre du Conseil de Bruxelles (qui peut ordonner la libération du mineur) nous montre que si l’avocat du MENA peut apporter la preuve qu’il existe pour celui-ci une solution alternative d’hébergement dans un centre d’accueil ouvert ou chez un membre de sa famille, le MENA sera libéré.

    6. Conclusion
    Même si l’on peut conclure, à la lecture de ce tableau comparatif, que, lorsqu’on arrive en Belgique, il vaut encore mieux être mineur non accompagné que d’arriver avec sa famille, on constate également que la situation de tous les mineurs, accompagnés ou non, doit réellement être encore améliorée, afin que leurs droits, prévus entre autres dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, soient respectés.
    Avant tout, il importe d’interdire tout enfermement de mineur étranger sur la base de
    son statut administratif, et ce qu’il soit seul ou avec sa famille. Le Service Droit des  Jeunes veut d’ailleurs d’approfondir ce sujet en 2006.
    Ensuite, il faudrait veiller à ce que les MENA ne se trouvent jamais en situation irrégulière et un droit au séjour automatique devrait leur être accordé, fût-ce temporairement, durant la recherche de la solution durable conforme à leurs intérêts. De plus, ils devraient aussi se voir appliquer des procédures plus rapides et des critères plus clairs, en ce qui concerne leur statut de séjour et la recherche de la solution durable. En outre, les capacités d’hébergement pour les MENA non demandeurs d’asile doivent de manière urgente être augmentées et améliorées. Un
    accord de coopération à ce sujet entre le Fédéral et les Communautés est attendu avec impatience.
    Les procédures de régularisation de séjour, actuellement en cours de réforme, devraient prévoir des critères précis et humains pour régulariser la situation de séjour des familles avec enfants en situation irrégulière. Des motifs tels que la durée de séjour, l’intégration et les possibilités de travail devraient réellement être pris en compte et la notion d’intégration devrait être présumée pour les familles ayant des enfants scolarisés.
    Enfin, quant à l’hébergement, il est urgent qu’il soit reconnu aux enfants en séjour illégal une véritable aide sociale, autre qu’un hébergement dans un centre communautaire, où le droit au respect de la vie privée, au respect de la vie familiale (avec des grands frères et soeurs majeurs et des grands-parents par exemple) et le droit à l’instruction sont souvent bafoués.

      La date/heure actuelle est Mer 16 Oct - 0:31